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24 mai 2019 5 24 /05 /mai /2019 10:18

 

UN LION NON COURONNE !

 

La reconstitution, en modèle de l'amirauté, du vaisseau de 74 canons, nommé "Le NORTHUMBERLAND", est un travail de longue haleine.

  On observera, dans la chronologie des photos, les  étapes consistant à reproduire, à l'échelle du 1/40ème, les différentes pièces de charpente de ce vaisseau.


Le poirier, l'ébène et le buis sont les essences qui ont été utilisées ici à la place du chêne couramment employé dans la construction navale à l'époque.

Il semble important ici de donner quelques précisions historiques dont il est nécessaire de s'imprégner car chaque détail de construction est reproduit dans le contexte du XVIII siècle.

On est en 1780 : c'est la guerre d'Amérique, et l'on sait, depuis un siècle, construire des navires de guerre, mais chaque ingénieur-constructeur emploie ses propres méthodes. Le lancement de chaque vaisseau reste alors une inconnue quant à sa tenue sur la mer. Parmi les constructions de l'époque, on a remarqué la bonne tenue de l'ANNIBAL, dont les plans ont été élaborés par un nouvel ingénieur, J. N. Sané. Avec quelques modifications en ce qui concerne la position des maîtres-couples, le NORTHUMBERLAND sera sa deuxième réalisation.

Avant de relater ses aventures, il faut ici expliquer l'origine de son nom : en 1744, lors de combats navals au large du Portugal, la flotte française va réussir la prise d'un 68 canons britannique : HMS NORTHUMBERLAND (HMS = His Majesty's Ship).

 

Comme il est d'usage à cette époque, le HMS NORTUMBERLAND est incorporé dans la Marine Française. En 1781, ce vieux vaisseau, reclassé "Flûte de 26 canons" et disposé à Brest, va faire naufrage au large d'Ouessant . L'on va attribuer son nom ainsi que le symbole de sa figure de proue - un lion non couronné - au nouveau 74 canons qui se construit à Brest. Son nom disparaitra de la Royale en 1794 quand les britanniques le prendront avant de le démonter et d'en dresser les plans.

Le choix de construction de ce modèle  a été fait en raison de la rareté de documents complets existant dans la construction navale de l'époque. La demande des plans dressés en 1796 a été faite auprès de l'Amirauté Britannique. Nous avions donc une base importante (plans des ponts, position des baux et des ouvertures ainsi que les décors : feuillages non détruits en 1789). Par contre, il manque les sculptures du boudin - un effet sans doute relatif aux combats de 1794?

De plus, et là n'est pas le moindre intérêt, ce vaisseau a commencé sa carrière par la guerre d'Amérique, dans la flotte de l'Amiral de Grasse, apportant ici le cachet de l'Histoire.

Les évènements qui ont conduit à la chute de Yorktown sont suffisamment connus pour que l'on s'y étende ici. Malgré tout, il était évident que cet épisode de l'Indépendance des Etats-Unis ouvrait une page victorieuse dans l'histoire de la Marine Royale. Parenthèse qui va se refermer le 13 prairial 1794.

Je renvoie le lecteur aux faits historiques. Rappelons simplement que pour briser le blocus de la Royal Navy -
un convoi de blé arrivant des Etats-Unis - les combats de prairial conduisirent au naufrage de l'ancien MARSEILLOIS, devenu LE VENGEUR DU PEUPLE, et de la prise de six navires dont le NORTHUMBERLAND, ainsi que le premier Sané, l'ANNIBAL, devenu l'ACHILLE. Ces évènements préfiguraient le désastre de 1805.

Le choix du NORTHUMBERLAND en modèle d'arsenal tient compte de ces éléments historiques, mais les plans dressés par l'ingénieur anglais, lors de son démontage (1796) ont facilité la reconstitution.

Cependant, j'accorde encore plus d'importance à la réalisation humaine, le travail des charpentiers de marine du
XVIIIe siècle dont on peut comparer le savoir-faire avec celui des bâtisseurs de cathédrales. C'était là ma motivation
profonde.

Les photos du blog sont montrées suivant l'ordre chronologique de la construction.

 

Association des amis du musée national de la marine

PIERRE CHARDIN

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commentaires

H
J'allais oublier : selon William James, le Northumberland faisait 1811 tjb (5130 ㎥ de cale), et son jumeau l'Achille en faisait 1801.
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H
Le 1er juin 1794, les vingt-cinq vaisseaux de Richard Howe (navire amiral : la Queen Charlotte, trois-ponts de 100 canons, déplaçant peut-être 3800 ou 3900t et faisant 2279 tonneaux de jauge brute, soit 6450 ㎥ de cale) infligèrent une écrasante defaite aux vingt-quatre vaisseaux de Thomas Villaret de Joyeuse (navire amiral : la Montagne, anciennement les États-de-Bourgogne, trois-ponts de 120 canons, déplaçant plus de 5000t pour quelque 2750 tjb, soit 7780 ㎥ de cale). La Royal Navy ne perdit aucun vaisseau, notre marine nationale en perdit sept. Un de 74 canons fut coulé, le Vengeur, qui était ancien déjà, et six furent pris : l'Annibal, appelé depuis 1786 l'Achille, et le Northumberland de Sané, jumeaux constituant la classe de l'Annibal ; l'Impétueux et l'America, de la classe du Téméraire de Sané, nec plus ultra de ce type de navire ; et deux vaisseaux de 80 canons, le Juste d'Antoine Groignard, lancé en 1784 sous le nom de les Deux-Frères, qui devait déplacer peut-être 3500t pour 2143 tjb, et surtout le Sans-Pareil (3750t et 2242 tjb), de la prodigieuse classe du Tonnant de 1789, de Borda et Sané. Ainsi les secrets déjà partiellement dévoilés par la prise de vaisseaux en décembre 1793, à Toulon révoltée contre la Convention, furent-ils entièrement éventés, et les ultimes merveilles de nos chantiers ne furent plus un mystère pour nos ennemis…<br /> <br /> Les qualités de nos nouvelles classes éblouirent les Britanniques.<br /> <br /> « [l'Impétueux et l'America furent considérés comme les plus fins navires qu'on avait jamais vus dans un port britannique. »<br /> « Mais que dire du Sans-Pareil ? Il s'agissait d'un navire, nouvellement lancé aussi, qui égalait presque la taille de la Queen Charlotte elle-même, et qui s'est révélé être un si rapide voilier qu'on pourrait à peine créditer même une frégate de son aisance à rattraper les corsaires français, bien que dans le calme dans l'œil du vent, et pratiquant toutes les manœuvres possibles pour s'échapper. »<br /> William James, Naval History of Great Britain, volume ⅰ.<br /> <br /> Le désastre aurait pu être bien plus grand encore, et aucun de nos trois-ponts engagés (la Montagne, de la nouvelle classe, extraordinaire, de vaisseaux de 120 canons de Borda et Sané, le Terrible et le Républicain de 110) n'aurait échappé à l'ennemi si Howe avait eu sous ses ordres des hommes aussi expérimentés qu'en aurait Nelson quelques années plus tard.<br /> <br /> Pratiquement, le désastre du 13 prairial an II permit à un convoi de blé venu d'Amérique d'atteindre Brest, évitant une famine à laquelle aurait succombé la Convention. Cent ans après le Flamand Jean Bart qui avait permis l'arrivée d'un convoi de grain en pleine famine, sauvant une multitude de petites gens, le Flamand Vanstabel sauvait à son tour les Français de la famine. Et, par la même occasion, sauvait la Convention montagnarde de Robespierre.<br /> <br /> Pour peu de temps : après à peine deux mois, les montagnards tombèrent, et la tête de Robespierre avec.<br /> <br /> La qualité de votre travail sur ce modèle est éblouissante !
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