UN LION NON COURONNE !
La reconstitution, en modèle de l'amirauté, du vaisseau de 74 canons, nommé "Le NORTHUMBERLAND", est un travail de longue haleine.
On observera, dans la chronologie des photos, les étapes consistant à reproduire, à l'échelle du 1/40ème, les différentes pièces de charpente de ce vaisseau.
Le poirier, l'ébène et le buis sont les essences qui ont été utilisées ici à la place du chêne couramment employé dans la construction navale à l'époque.
Il semble important ici de donner quelques précisions historiques dont il est nécessaire de s'imprégner car chaque détail de construction est reproduit dans le contexte du XVIII siècle.
On est en 1780 : c'est la guerre d'Amérique, et l'on sait, depuis un siècle, construire des navires de guerre, mais chaque ingénieur-constructeur emploie ses propres méthodes. Le lancement de chaque vaisseau reste alors une inconnue quant à sa tenue sur la mer. Parmi les constructions de l'époque, on a remarqué la bonne tenue de l'ANNIBAL, dont les plans ont été élaborés par un nouvel ingénieur, J. N. Sané. Avec quelques modifications en ce qui concerne la position des maîtres-couples, le NORTHUMBERLAND sera sa deuxième réalisation.
Avant de relater ses aventures, il faut ici expliquer l'origine de son nom : en 1744, lors de combats navals au large du Portugal, la flotte française va réussir la prise d'un 68 canons britannique : HMS NORTHUMBERLAND (HMS = His Majesty's Ship).
Comme il est d'usage à cette époque, le HMS NORTUMBERLAND est incorporé dans la Marine Française. En 1781, ce vieux vaisseau, reclassé "Flûte de 26 canons" et disposé à Brest, va faire naufrage au large d'Ouessant . L'on va attribuer son nom ainsi que le symbole de sa figure de proue - un lion non couronné - au nouveau 74 canons qui se construit à Brest. Son nom disparaitra de la Royale en 1794 quand les britanniques le prendront avant de le démonter et d'en dresser les plans.
Le choix de construction de ce modèle a été fait en raison de la rareté de documents complets existant dans la construction navale de l'époque. La demande des plans dressés en 1796 a été faite auprès de l'Amirauté Britannique. Nous avions donc une base importante (plans des ponts, position des baux et des ouvertures ainsi que les décors : feuillages non détruits en 1789). Par contre, il manque les sculptures du boudin - un effet sans doute relatif aux combats de 1794?
De plus, et là n'est pas le moindre intérêt, ce vaisseau a commencé sa carrière par la guerre d'Amérique, dans la flotte de l'Amiral de Grasse, apportant ici le cachet de l'Histoire.
Les évènements qui ont conduit à la chute de Yorktown sont suffisamment connus pour que l'on s'y étende ici. Malgré tout, il était évident que cet épisode de l'Indépendance des Etats-Unis ouvrait une page victorieuse dans l'histoire de la Marine Royale. Parenthèse qui va se refermer le 13 prairial 1794.
Je renvoie le lecteur aux faits historiques. Rappelons simplement que pour briser le blocus de la Royal Navy -
un convoi de blé arrivant des Etats-Unis - les combats de prairial conduisirent au naufrage de l'ancien MARSEILLOIS, devenu LE VENGEUR DU PEUPLE, et de la prise de six navires dont le NORTHUMBERLAND, ainsi que le premier Sané, l'ANNIBAL, devenu l'ACHILLE. Ces évènements préfiguraient le désastre de 1805.
Le choix du NORTHUMBERLAND en modèle d'arsenal tient compte de ces éléments historiques, mais les plans dressés par l'ingénieur anglais, lors de son démontage (1796) ont facilité la reconstitution.
Cependant, j'accorde encore plus d'importance à la réalisation humaine, le travail des charpentiers de marine du
XVIIIe siècle dont on peut comparer le savoir-faire avec celui des bâtisseurs de cathédrales. C'était là ma motivation
profonde.
Les photos du blog sont montrées suivant l'ordre chronologique de la construction.
- Historique du projet (texte modifié Mars 2023)
- Les plans de l'Amirauté Britannique et les plans dessinés par mes soins
- Construction des varangues et des couples - Mise en place sur la quille
- Mise en place des porques, préceintes, sabords, soles des bouteilles et flasques de mâts
- Soute aux gargousses, galeries, mise en place des baux du premier pont, fosse aux boulets, ancre de miséricorde
- Les baux de la première batterie, flasques du beaupré, habillage en plomb de la gate, fronteau de coltis
- Pièces d'artillerie de 36, construction des bâts-mats et des pompes
- Accastillage intérieur: four à pain, grand cabestan, tamisaille, épontilles mobiles, cloche de bord et cuisine
- Evolution des sculptures
- Finition de la batterie supérieure (pièces de 18)
- Poulaine, gaillards, passavants, panneaux pour abattage en carène
- Logements de l'état-major, dunette amovible, salle du conseil, filet de bastingage et hamacs
- Mature, manœuvres dormantes et courantes sous vergues
- Compléments techniques
- Départ pour Dugny
Association des amis du musée national de la marine
PIERRE CHARDIN